Joukovski Antonina,

PhD Joukovski Igor,

Professeurs de russe

à l’Association Russie-Aquitaine,

Bordeaux

 

 

Les auteurs présentent les résultats d’une réflexion collective sur  les usages et la valeur du patrimoine culturel dans l’enseignement  des langues vivantes, obtenus au cours du projet européen LV&PV  dans le cadre du programme Erasmus + en 2017-2019.

Dans cet essai ils expliquent tout d’abord un cadrage conceptuel du patrimoine culturel  et définissent ce que peuvent être  les finalités et les objectifs du patrimoine dans une perspective de didactique des langues vivantes à l’ère du numérique.

Mots-clés :

Enseignement des langues vivantes pour adultes, patrimoine culturel, didactique du patrimoine, patrimoine culturel russe en Europe, héritage culturel des immigrations, supports numériques

Introduction 

Notre recherche collective vise à connaître ce qui est peut être considéré   comme patrimoine culturel dans l’enseignement des langues  vivantes et comment il y est enseigné. Pour cela, nous avons du

-analyser le traitement du patrimoine dans les manuels et autres matériels didactiques ;

-évaluer la présence des éléments du patrimoine culturel dans les pratiques pédagogiques ;

– penser à un cadrage conceptuel de la notion du patrimoine culturel ;

-définir les critères et les moyens de la transposition didactique de la notion dans les cursus des formations linguistiques.

Cette recherche s’est construite à partir de deux constats :

– aujourd’hui on observe un grand intérêt des apprenants adultes pour une meilleure connaissance du patrimoine culturel,  mais il semble qu’il  n’existe ni   conceptualisation, ni transposition didactique  de ce concept  dans l’enseignement des langues étrangères ;

– il existe  également un grand intérêt des enseignants de rendre accessible  aux apprenants les meilleurs échantillons du patrimoine culturel de la langue étudiée, mais pourtant les objectifs pédagogiques sont orientés plutôt vers les compétences  communicatives et non pas interculturels.

Aujourd’hui apprendre une langue étrangère, c’est  aller à la découverte d’une autre culture, une porte ouverte sur  la richesse d’un patrimoine culturel différent. C’est aussi la reconnaissance mutuelle de diverses cultures et identités coexistant sur le sol européen. Mais n’est-il pas étonnant que l’enseignement des langues est souvent privé d’éléments culturels et les manuels en sont privés également, ne donnant place qu’au pragmatisme de la conjoncture économique. La présence du patrimoine culturel  dans l’enseignement est actuellement ponctuelle et réduite à l’état  d’illustration d’idée générale. Pourtant l’idéal du patrimoine vivant et actif est revendiqué par les apprenants adultes pour qui les compétences linguistiques et multiculturelles prennent de plus en plus d’importance.

Comme notre partenariat stratégique  était composé de spécialistes de l’enseignement   du russe, nous allons d’évidence parler du patrimoine culturel russe qui  fait partie intégrante, en premier lieu du patrimoine culturel européen, mais aussi du patrimoine culturel mondial. Plus qu’un simple moyen de communication, la langue russe,  donne accès aux codes de la compréhension de la diversité culturelle dont une grande partie reste encore inconnue.  Donc il nous a paru légitime  et intéressant d’intégrer les  éléments du patrimoine culturel russe  dans le processus de l’enseignement du russe pour les adultes.

Le projet « Langues vivantes & patrimoines vivants »

Face à ce défi interculturel, une concertation internationale sur l’enseignement des langues étrangères, en l’occurrence du russe, a été lancée en janvier 2017 en vu de monter le projet « LV&PV ». Explorer les liens entre le patrimoine culturel russe et l’enseignement du russe pour adultes, conjuguer le patrimoine et l’enseignement des langues étrangères  à l’ère du numérique – telle est l’ambition  du projet qui a  ressemblé les partenaires de 6 pays.

La thématique  passionnant  du projet a attiré d’excellents professionnels et relevé des défis aussi bien individuels que collectifs. La participation au projet a été très stimulante intellectuellement pour l’équipe internationale car c’était en même temps la recherche, l’innovation et l’évolution de bonnes pratiques. Il n’était pas question de renoncer aux bonnes pratiques existantes, mais nous ressentions le devoir de donner à nos apprenants toutes les possibilités d’apprentissage moderne et innovant. Dans notre projet c’est avant tout l’intérêt des apprenants qui nous guidait. Et c’est ce que notre équipe a fait avec la compétence  et un grand  de respect  des besoins des apprenants adultes.

Le concept du patrimoine culturel

Aujourd’hui on observe un engouement croissant des apprenants  de tous les âges et de tous les niveaux socioculturels pour le patrimoine des pays autres  que ceux de leurs origines. De la part des enseignants des langues étrangères  et, notamment  des enseignants de la langue  russe, il y a aussi un grand intérêt à rendre accessible le patrimoine culturel  russe   aux apprenants en l’intégrant dans les cursus d’enseignement.

Nous pouvons affirmer que le patrimoine culturel russe n’est pas inclus comme une ressource pour l’enseignement du russe. Il ne  semble pas que des efforts importants soient menés  par les auteurs des manuels et des méthodes dans le sens d’une conceptualisation et d’une transposition didactique  du concept du patrimoine culturel dans les cycles de formations. Pour y arriver, il est important de bien connaître l’envergure du phénomène du patrimoine culturel russe, de   bien le situer dans les cycles d’enseignement pour adultes, de lui rendre sa dimension européenne.

Au cours du projet nous avons du

– vérifier ce qu’on pouvait être considéré comme patrimoine culturel russe dans l’enseignement du russe, ce qui en est enseigné et ce que mérite d’être enseigné ;

– construire un concept du patrimoine culturel  russe dans l’enseignement du russe langue étrangère à  partir d’une transposition d’une réalité culturelle en outil didactique ;

-caractériser le traitement éducatif du patrimoine culturel russe.

Avec le temps la notion du patrimoine culturel a beaucoup évoluée. Nous observons une grande extension du périmètre de la notion qui selon époque recouvre des objets  de types différents qui ne sont pas les mêmes. Aujourd’hui elle intègre de plus en plus de créations. Au départ en parlant du patrimoine, on évoquait  plutôt les monuments architecturaux. Mais avec le temps les hommes se sont rendus compte de la valeur d’autres biens culturels. De nouveaux domaines de la création se sont ajoutés par adjonction sans que les anciens ne disparaissent.

Cette progression chronologique de la notion du patrimoine et ajout de nouveaux types de patrimoines (religieux, industriel, artistique, naturel et autres) oblige à réfléchir au sens du terme  dans sa perspective didactique.

Pour nous une définition du patrimoine culturel dans une perspective de didactique de l’enseignement des langues étrangères pourrait être la suivante :

le patrimoine culturel  est un construit qui inclut les meilleurs  éléments matériels ou immatériels  de la culture de la langue cible sélectionnés pour être transposés dans les contenus pédagogiques.

Notre projet défend la thèse d’une grande potentialité éducative du patrimoine culturel et représente une rétrospective réunissant les plus belles histoires, présentant les lieux, les vies et les destins des  gens remarquables.

Ainsi le patrimoine culturel n’est pas seulement une relation linéaire entre le passé, présent et futur, mais il implique en plus la capacité des enseignants et des apprenants de recevoir, de comprendre, de conserver et de transmettre.

Sans doute  la revitalisation du patrimoine culturel russe dans les cycles de formation a imposé une réflexion  sérieuse sur le sens de sa mise en valeur et son utilisation dans l’enseignement  du russe.

Il était important de réfléchir ensemble à l’usage et à la valeur du patrimoine culturel russe en tant que ressource pour l’enseignement.

Dans le cadre du projet la problématique de l’intégration du patrimoine culturel russe dans le processus de l’enseignement  a été traitée au travers de la repérage, sélection   et  description des hauts lieux de la présence russe, rédaction  des textes,  élaboration des itinéraires, réflexion sur  des sujets communs de la recherche en formation des adultes et  en didactique des langues.

Au-delà, notre projet  a du recourir à toutes les technologies contemporaines permettant de rendre le processus pédagogique plus efficace et moderne.

La transposition didactique des éléments du patrimoine culturel dans les cursus de formation linguistique

Par transposition  nous entendons l’action de présenter différemment une chose, un évènement, en vue d’en faciliter sa compréhension ou son acception. La didactique quand à elle renvoi à tout ce qui se rapporte à l’instruction, c’est la méthode d’enseignement.

Dans notre projet la transposition didactique consistait  à transformer les savoirs du patrimoine culturel en savoirs à enseigner, puis en savoirs enseignés (énoncés dans les plans de cours).

 

  1. Les étapes de la transposition didactique

Objet culturel et patrimonial                                                                                                                    

(lieu, événement, histoire, destin)

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Transposition didactique   è   Objet d’enseignement

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Contenu d’enseignement

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Situations d’apprentissage

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Apprentissage effectif et durable des apprenants

  1. La chaine de transposition didactique des éléments patrimoniaux du projet 
  • repérage et sélection des éléments patrimoniaux qui méritent d’être enseignés ;
  • leur description (en russe et en français) et identification sur la carte interactive ;
  • réalisation des clips pour Instagram présentant les échantillons choisis ;
  • rédaction des textes sur les sujets sélectionnés avec les annotations en français et anglais ;
  • écriture des scénarios des court-métrages ;
  • tournage des vidéos ;
  • enregistrement des versions audio ;
  • création de la chaîne éducative YouTube et publication en ligne de la collection des vidéos et des fichiers sonores ;
  • situations d’apprentissage en classe ;
  • apprentissage effectif et durable des apprenants.

Nos idées sur la transposition didactique des éléments culturels dans les cursus des formations linguistiques pour adultes sont exposées également dans les recommandations pédagogiques à l’usage des enseignants et des apprenants.

Conclusion

La valeur ajoutée du projet est dans la perspective interculturelle qui se définit comme une formation à l’observation, à la compréhension et l’acquisition de la compétence interculturelle ainsi que pour la relativisation de la culture étrangère  pour développer le dialogue des cultures.

Bibliographie 

  1. Site du Ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

http://eduscol.education.fr/enseigner-langues-vivantes/

  1. 2. Éducation au patrimoine : mémoire, histoire et culture commune.

Musset Marie (2012). Dossier d’actualité Veille & Analyses, n° 72, mars. Lyon

  1. Le Kit : le patrimoine mondial entre les mains des jeunes

https://whc.unesco.org/fr

  1. Les usages et la valeur éducative du patrimoine culturel dans l’enseignement secondaire
  2. Gonzalez Monfort, thèse de doctorat « Qu’enseigne-t-on du patrimoine culturel dans l’enseignement secondaire obligatoire ? », Barcelone, Espagne
  3. Enjeux de l’éducation au patrimoine

https://eduscol.education.fr/cid53087/patrimoine.html

Comment enseigner à partir du patrimoine local ?

http://www.arles.ien.13.ac-aix-marseille.fr/spip/sites/www.arles.ien.13/spip/IMG/pdf/Arles_patrimoine.pdf

  1. Pour une pédagogie du patrimoine et de l’environnement

Rémi Azémar (2003), Tréma, revue internationale en science de l’éducation et didactique

https://journals.openedition.org/trema/1429